Les Mahométans Ne Sont Pas Une Race

RenovatioPostmodernism

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2025-03-26 09:47 +0100


Article originel écrit par Caner K. Dagli et paru dans Renovatio, la revue du Zaytuna College.


L’on se forge dans l’adversité.

L’intolérance à l’encontre des mahométans est un problème majeur auquel tous les mahométans sont confrontés d’une manière ou d’une autre. Nous sommes rabaissés, provoqués et pris pour cibles de plein de manières différentes, et la façon dont nous relevons ce défi sera gravée dans nos âmes, que cela nous plaise ou non. Malheureusement, nombreux sont les intellectuels à répondre à cette intolérance à l’encontre des mahométans, appelée communément « islamophobie », avec des arguments basés sur des présupposés contraires non seulement à l’islam mais aussi à la religion en tant que telle. Une tendance croissante, et même dominante, dans la littérature académique et militante dépeint l’islamophobie comme une forme de racisme. Selon cette approche, l’intolérance à l’encontre des mahométans n’est pas un phénomène avec une composante raciale ou une dimension raciste, mais l’islamophobie est simplement une forme de racisme, ou trouve son origine dans le racisme, ou devrait être étudiée sous l’angle du racisme.

La formule « l’islamophobie est le racisme à l’encontre des mahométans » est, au mieux, destinée à mobiliser les protections légales en faveur des minorités ethniques et à bénéficier de la connotation négative du mot « racisme », avec l’objectif louable de protéger des personnes vulnérables d’un racisme à l’œuvre sous couvert de questions de sécurité, de culture ou d’une « critique des idées ». Mais réduire l’islamophobie au racisme brouille notre compréhension des autres facteurs derrière l’intolérance à l’encontre des mahométans et repose sur des idées mal utilisées ou confuses telles que la « racisation », qui sont difficiles à appréhender pour beaucoup. Pire encore, l’appareil conceptuel derrière l’affirmation « l’islamophobie, c’est du racisme » fait de l’islam un simple marqueur culturel de personnes non-blanches, un expédient inerte spirituellement, intellectuellement et moralement. Le cadre exclusivement « raciste » — dans un monde où les humains sont animés par toutes sortes d’irrationalité, d’égotisme et de fanatisme — laisse penser que l’islam n’a d’intérêt que dans la mesure où il serait le patrimoine de gens non-blancs. La religion devient alors rien de plus qu’un facteur social dans un monde où les affaires humaines se réduisent entièrement à la race, la classe, le genre et la sexualité.

Je tiens à préciser que je ne rejette pas des énoncés tels que « l’islamophobie et le racisme se recoupent significativement » ou « le racisme est une composante majeure de l’islamophobie » qui étaient autrefois la norme pour décrire l’intersection entre islam et race. Je conteste les tentatives plus récentes de théoriser l’islamophobie entendue seulement comme racisme ou, ce qui revient au même, l’implication selon laquelle la seule forme d’intolérance envers les mahométans qui importe est raciste par nature.


La plupart des gens utilisent le mot « racisme » pour désigner un acte ou une attitude dommageable, discriminatoire ou antagoniste envers un membre d’une autre race (ou perçu comme tel) sur la base de son apparence ou de son origine raciale. Selon cette acception communément admise du mot, le racisme est un défaut dans le caractère du raciste et, par conséquent, son ignorance et ses préjugés peuvent être rectifiés par l’instruction, l’empathie et la bonne volonté. Mais aujourd’hui, le racisme a une signification bien plus large — voire différente — parmi de nombreux sociologues, anthropologues, juristes, philosophes et militants. Selon cette acception élargie, le racisme est une structure ou un système. Il ne s’agit plus seulement d’intention mais aussi — voire même d’abord — d’effets et de résultats. Les disparités de richesse peuvent être racistes dans les faits sans l’être pour autant au niveau de l’intention individuelle parce que le racisme est une caractéristique du système ou de la structure.

Une raison de l’extension du racisme au-delà de l’intention individuelle réside dans l’échec apparent des gens à comprendre les raisons subtiles pour lesquelles de profondes inégalités persistent même après que le racisme explicite est devenu inacceptable dans la plus grand partie de la vie publique. Certains intellectuels et militants soutiennent que le projet d’universalisme racial et d’égalité légale de l’époque des droits civiques a échoué, et que les mêmes lois et mesures ouvertement censées contrer le racisme sont utilisées en réalité comme écran de fumée pour perpétuer la discrimination raciale par des moyens détournés. La société a peut-être banni de l’opinion publique les formes les plus explicites et extrêmes de racisme, mais la discrimination raciste a continué d’opérer à l’intérieur et à travers les structures « indifférentes à la couleur de peau » et « post-raciales ». De nombreux universitaires et militants ont été amenés à croire que le racisme n’était pas une question de changement de mentalités individuelles, et qu’il était faux de considérer le racisme comme irrationnel ou aberrant. Le racisme n’était pas un problème de personnes méchantes au comportement irrationnel au sein d’un système juste et rationnel, mais c’est plutôt le système lui-même qui était raciste et dépendant du racisme.

En plus de cette insistance sur le racisme structurel, il y avait la croyance selon laquelle le racisme ne peut être traité séparément d’autres formes d’oppression qui composent le système : les discriminations racistes, misogynes et de classe constituent une matrice d’oppression. Il y a un seul et même système. Dans l’ancienne conception, toutes ces formes de préjugés et de discrimination étaient mauvaises, mais elles étaient distinctes les unes des autres et pouvaient être analysées en conséquence. La nouvelle approche voit ces catégories (à commencer par la race et le genre) non pas comme distinctes mais comme des hiérarchies d’oppression qui s’intersectent. Par exemple, dans le cas des femmes noires, il est impossible d’isoler le racisme et le sexisme parce que les deux se renforcent l’un l’autre en pratique, par conséquent l’expérience de l’oppression des femmes noires ne peut être comprise simplement comme du racisme d’un côté et du sexisme de l’autre mais comme un ensemble. L’intersectionnalité, puisque c’est comme ça qu’on l’appelle, est une extension naturelle de ce glissement vers les structures et les systèmes : une large structure sociale, économique et politique peut être tout à la fois raciste, misogyne et classiste de manière à ce que ces différentes oppressions se renforcent mutuellement, sans pour autant qu’on puisse en rejeter facilement la responsabilité sur un individu particulier.

Comment, donc, les mahométans, en tant que groupe religieux, s’inscrivent dans cette idée de racisme structurel et d’intersectionnalité des oppressions ? Bien que l’islam ne soit pas une race, certains avancent que les mahométans peuvent être racisés. La racisation est un concept controversé qui a émergé dans des cercles académiques suite à la perte de crédit (et non la disparition) de thèses sur la supériorité biologique et la différence, ce qui a mené — dans certains cercles — à un passage de la race à la culture comme marqueur de supériorité. Il n’était plus question pour les blancs de parler ouvertement de supériorité biologique mais ils pouvaient toujours affirmer une culture supérieure qui les rendait plus avancés, développés et civilisés, et c’est cette supériorité culturelle qui est utilisée ensuite pour justifier des politiques de domination et d’exclusion. Certains ont appelé ce phénomène « racisme culturel », arguant que les identités telles que « mahométan » et « Arabe » peuvent être sujettes à l’exclusion et à la discrimination, à la manière du racisme explicite, et que ces groupes pouvaient donc être racisés même en l’absence de toute notion de race à proprement parler. De ce point de vue, « mahométan » peut être traité comme une catégorie raciale sans explicitement en être une. La difficulté dans l’application de ce concept aux mahométans réside dans le fait que la racisation est née du concept antérieur de formation raciale, qui traite des façons dont les groupements raciaux sont construits et changent dans le temps. Ce ne sont pas n’importe quels groupements, mais des groupements raciaux, basés sur la notion de différenciation physique. Une identité raciale ne se réduit pas aux différences corporelles mais sans elles, la notion de « groupe » racial perd tout son sens.

Mais avant d’examiner comment « mahométan » pourrait être une identité raciale, il est impératif de noter ce qu’implique cette notion de racisation. Rappelons-nous qu’en plus d’être raciste, le système est aussi misogyne, homophobe et classiste. Alors que la nouvelle approche de l’islamophobie nous demande de comprendre l’intolérance envers les mahométans par le prisme du racisme ou de voir les mahométans comme un groupe racisé, elle laisse intactes la misogyne et l’homophobie dans leurs propres catégories. Les mahométans sont « racisés » mais les gays ne sont pas « religionisés ». Est-ce que des groupes sont « genrisés » ou « queerisés » ? On peut dire « l’islamophobie est du racisme » mais pas « la misogynie est du racisme » ou « l’homophobie est de la misogynie » ou « le racisme est de l’homophobie ». Le racisme et le sexisme peuvent s’intersecter parce que la race et le genre ne peuvent se réduire l’un à l’autre, et cette irréductibilité signifie que l’oppression raciale et l’oppression de genre ne peuvent être traitées comme une forme l’une de l’autre. La manière dont l’islam est considéré dans le cadre de l’intersectionnalité n’ajoute pas de paramètre de discrimination (celui de l’intolérance religieuse) à la matrice d’oppression mais insère plutôt la religion dans la hiérarchie existante en utilisant le concept de racisation. De ce point de vue, seuls les races, les genres, les classes et les orientations sexuelles constituent de vrais groupes. L’intolérance religieuse n’est pas invitée à la table des hiérarchies intersectionnelles, elle n’a droit qu’aux miettes du racisme.

Pourquoi ? Si l’islamophobie est une forme de racisme, de quoi le racisme est-il une forme ?


Les fondements intellectuels de l’extension du racisme pour inclure d’une part les structures et les effets et d’autre part le traitement du racisme, du sexisme, du classisme et de l’homophobie comme seules véritables mailles du tissu de l’oppression, sont postmodernes par essence. La théorie critique de la race, par exemple, est née des études juridiques critiques, elles-mêmes basées sur les travaux de penseurs issus du mouvement de la théorie critique (et d’autres formes de philosophies avec des racines marxistes) qui avaient abandonné les prétentions « scientifiques » du marxisme en faveur d’un nouveau mode de pensée focalisé non pas uniquement sur la classe mais aussi sur une critique générale de la « culture » et de l’« identité ». Les penseurs postmodernes, en général, se méfient de la vérité et de l’objectivité, et voient toute prétention à un savoir objectif comme une volonté de pouvoir ou quelque autre motif. Derrière chaque prétention à la vérité ou à la moralité, disent-ils, il y a toujours un désir de domination, un besoin d’utiliser la raison et l’universalité comme moyens de contrôle. Les êtres humains sont les produits de leurs conditions culturelles. Ils n’expriment pas leur culture ; leur culture les exprime, eux. Donc, lorsqu’on se fait une idée du vrai ou du bien, ces convictions, par définition, ne sont pas le fruit d’un humain conscient et capable de faire abstraction de lui-même pour s’élever au-delà des circonstances, mais simplement une partie d’une identité formée par les structures dans lesquelles on a grandi. C’est une vision du monde radicale et catégorique. En effet, la théorie critique, la généalogie de Foucault, la déconstruction de Derrida, la psychanalyse de Lacan et autres variétés de post-modernisme n’offrent pas simplement une méthode neutre de pensée critique que les mahométans et autres fidèles peuvent utiliser pour résoudre des problèmes. Être convaincu que la réalité est telle qu’énoncée dans le Coran, tout en explorant les questions fondamentales sur la nature humaine via les méthodes d’un Foucault, un Lacan ou un Derrida, c’est, au mieux, vivre dans un état d’extrême tension. C’est croire en Dieu mais consacrer son esprit rationnel et réfléchi à une façon de penser qui repose sur l’idée qu’Il n’existe pas. C’est penser que l’on doit transformer son âme et choisir le bien tout en affirmant que notre perception du bien est déterminée par des structures sociales de domination et des relations entre « corps ». Les êtres humains vivent avec toutes sortes de contradictions, mais celles-ci sont parmi les plus critiques.

Bien que les penseurs postmodernes prétendent rejeter les assertions et l’objectivité morale en faveur d’un mode d’action, ils ont néanmoins des réponses catégoriques aux questions existentielles et un attachement inébranlable à leurs croyances. Leur incapacité à admettre la contradiction performative qu’il y a à nier la rationalité ou à défendre le relativisme moral ne nous engage en rien à adopter des idées au mieux incohérentes. Nier la vérité en tant que telle ou embrasser le relativisme moral, c’est présupposer la vérité objective et la moralité de sa propre posture.

Les postmodernes, en fait, ont une idée claire de ce qu’est la réalité et de ce qu’elle n’est pas, et c’est sur la base de ces hypothèses qu’ils interprètent le monde et formulent des exigences morales. Ce n’est pas du tout anodin si aucun des philosophes aux fondements du « racisme culturel » et de l’« intersectionnalité » n’accepte Dieu ou l’existence de l’âme. Tous croient que les êtres humains sont des machines biologiques destinées à l’oubli dans un univers fortuit et que ceux qui ne partagent pas de telles idées sur la nature humaine et le destin se soumettent immanquablement à l’autorité de ceux qui acceptent l’existence de Dieu et de l’âme.

De tels penseurs ne veulent pas entendre parler d’une âme capable de transcender son égotisme ou des vicissitudes qui seraient des épreuves envoyées par Dieu ou de l’impossibilité d’une justice parfaite ici-bas ou de répondre au mal par le bien. Les postmodernes se permettent de parler de ces enseignements pérennes comme rien de plus que des illusions ou des ruses pour maintenir un système de domination dans lequel le riche prend au pauvre, l’homme prend à la femme et les blancs prennent aux personnes de couleur. Ils croient libérer les peuples (ou « corps ») mais ils ont aussi des réponses différentes aux questions existentielles. Ils croient qu’on peut tenir un discours réaliste et pertinent sur le racisme (et les autres maux de la société) seulement si l’on ne prend pas au sérieux les enseignements religieux.

Mais les enseignements religieux sont sérieux. Parmi ces enseignements, il y a, bien sûr, la ferme conviction que les êtres humains sont capables de rationalité et de moralité. Un être humain a une âme capable de bien et de mal, et l’on peut surmonter son égotisme pour atteindre la vérité et choisir le bien, même si la plupart n’y arrivent pas. Aux yeux des postmodernes, de telles notions sont, au mieux, folkloriques. Pour eux, l’ego n’est pas la dimension inférieure de l’individu mais la seule dimension, et ce que la religion traditionnelle appelle « raison » ou « esprit » ne sont que des histoires racontées par les forts aux faibles. La conception postmoderne de l’humain constitue un renversement de la relation entre raison et passion. La dichotomie rationnel/irrationnel en devient vide de sens.

Aux yeux des postmodernes, le racisme est d’abord une question de systèmes et de structures car ces systèmes et structures sont les véritables causes de ce que l’on considère naïvement comme de l’intolérance personnelle ; façonnées par nos conditions matérielles, nos pulsions produisent des notions ridicules comme le vrai et le juste pour obtenir ce qu’elles veulent. La religion ne peut pas être une vraie cause de comportement humain parce que son objet est le vrai et le juste, des idées qui dérivent simplement d’un besoin de dominer d’autres groupes raciaux, ou de soumettre les femmes, ou d’amasser des richesses, ou quelque autre « vrai » facteur de ce genre.


La manière postmoderne d’aborder les problèmes crée des schémas de pensée qui empoisonnent lentement l’âme. Quand on traite une forme d’égotisme irrationnel comme le racisme ou l’intolérance religieuse seulement comme le produit d’une identité qui ne se conçoit qu’en termes de pouvoir, on cesse de prendre au sérieux la possibilité pour les humains de s’améliorer et comprendre. Si le premier réflexe quand on aborde les problèmes humains est de tous les traiter comme des fonctions d’une structure socio-politique et de voir les individus uniquement par le prisme d’une « identité » immuable, alors que reste-t-il de la notion de vie spirituelle en islam : la purification de l’âme, cultiver l’amour pour Dieu et le Prophète, développer notre conscience ? En répondant aux préjugés et à l’intolérance entendus comme des fonctions quasi mécaniques d’une matrice d’oppression, on ne fait que renforcer en soi une attitude qui consiste à dire que les êtres humains sont de simples produits de leurs cultures et que la seule façon de changer quoique ce soit est d’utiliser la force. La politique devient alors l’alpha et l’oméga de la réflexion, et seul le cynique a voix au chapitre.

De telles habitudes mentales insidieuses sont déjà mauvaises, mais c’est encore pire quand la méthode critique postmoderne s’attaque explicitement à la religion en tant que telle, comme lorsque le message de l’islam se prend de plein fouet la réaction postmoderne face à la notion libérale d’« indifférence à la couleur ». Le Coran et la vie du Prophète enjoignent en effet les êtres humains à voir au-delà de la couleur de peau et des origines tribales et à juger les personnes selon leur cœur et leur conduite. Les mahométans ont raison de dire que leur religion condamne le racisme et ont raison de noter que le Prophète a exclu toute supériorité sur la base de quelque conception de la race que ce soit. L’histoire du racisme et du tribalisme chez les mahométans ne change rien aux enseignements de l’islam au sujet de la race, pas plus que l’alcoolisme ne change quoique ce soit à ses enseignements au sujet de la boisson. Le racisme est une maladie contre laquelle les mahométans ne sont pas immunisés, loin s’en faut, bien que leur religion leur en fournisse un remède. En tout état de cause, le message coranique n’est pas indifférent à la couleur mais une célébration de la richesse et de la diversité des êtres humains. Malheureusement, les mahométans qui saluent l’anti-racisme et l’anti-tribalisme de l’islam sont parfois accusés d’occulter le problème de la suprématie blanche, mais de tels enseignements ne sont pas le fruit d’un système essayant de se maintenir en adoptant un discours universaliste de façade. Le Prophète a réellement dispensé ces enseignements. L’islam est réellement universaliste dans ses enseignements sur la race.

Cependant, les mahométans ne se limitent pas à un naïf « l’amour est plus fort que la haine » ou « la haine naît de l’ignorance » quand il s’agit de racisme. En effet, la haine et l’ignorance sont des formes d’égotisme, tout comme le tribalisme, la cupidité et la jalousie. Nous ne devrions pas abandonner une doctrine profonde sur la nature humaine au prétexte que certains philosophes récents sont persuadés d’avoir découvert comment les humains peuvent créer des systèmes injustes en prétendant qu’ils sont justes. « Quand on leur dit : “Ne semez pas le scandale sur la terre !”, ils répondent : “Nous sommes seulement des Réformateurs.” » (traduction de Régis Blachère de Coran 2:11) En effet, l’un des enseignements les plus terrifiant du Coran est sa description des personnes qui croient faire le bien mais qui, en réalité, font le mal, et cela s’applique également aux affirmations d’indifférence à la couleur et d’égalité raciale. Le désir de suprématie fait profondément partie de l’ego humain. Les soufies disent que le dernier vice à quitter la plus sincère des âmes est le désir de commander. Nous n’avons pas besoin des postmodernes pour nous dire ça, mais nous ne devrions pas non plus l’oublier.

Les mahométans peuvent et devraient maintenir une théorie du racisme pertinente, qui décrive comment l’intolérance peut se manifester de manières subtiles et masquées, ainsi que la façon dont les inégalités peuvent persister au fil des générations et entre différents domaines de la vie, à cause de la malveillance, l’illusion, l’incompétence et l’ignorance. Mais une pareille théorie ne devrait pas les mettre en porte-à-faux visa-à-vis de leur foi en Dieu, l’âme ou l’au-delà. Ils feraient bien de se rappeler que le discours sur la racisation, l’intersectionnalité, etc. n’est pas simplement une méthode purement théorique ou neutre d’analyse structurelle ; il trouve ses racines dans une vision philosophique du monde sombre, vide de sens et fausse, que cette vision du monde soit admise explicitement ou non. Ces idées se répandent dans des domaines universitaires comme le droit, la sociologie, l’anthropologie, l’histoire et la littérature comparée, et de là influencent des militants, des journalistes, des organisations pour les droits de l’Homme et des think tanks. Aujourd’hui, elle ont contaminé la définition de l’intolérance à l’encontre des mahométans et, par conséquent, la définition de l’islam.


L’influence des idées mentionnées plus haut est frappante dans la différence entre les rapports de 1997 et 2017 du puissant think tank Runnymede Trust. Ces rapports sont de bons exemples parce qu’ils proviennent de la même organisation et illustrent le changement d’approche de l’intolérance à l’encontre des mahométans. Le rapport de 1997 présente ses conclusions au sujet de l’intolérance à l’encontre des mahométans autour d’idées comme « l’hostilité et les préjugés », posant un cadre nuancé de discussion basée sur des conceptions « ouvertes » et « fermées » de l’islam. En plus de l’accent mis sur les stéréotypes et l’ignorance, le rapport notait aussi que « l’islamophobie est souvent teintée de racisme. Une conception étroite de l’islam a pour effet de justifier un tel racisme. » Si le racisme tenait une place importante, ce n’était pas le thème principal du rapport. Le rapport de 2017, comme pratiquement tout discours actuel portant sur l’islamophobie, renverse la précédente approche de Runnymede, s’éloignant de la définition du rapport de 1997 (qui ne faisait pas mention du racisme) et redéfinit l’islamophobie comme suit : « Définition : l’islamophobie est le racisme anti-mahométans. »

Le rapport de 2017 justifie en partie cette redéfinition en ces termes : « Parmi les sociologues, il est fréquent de parler de diverses formes de racisme, de processus de “racisation” et même de “racisme sans race”. L’idée selon laquelle la race est une construction sociale est davantage connue aujourd’hui et en effet largement répandue même en dehors du cadre universitaire et couvre tout le spectre politique. » Le rapport précise : « Se limiter à la haine anti-mahométans (ou même aux préjugés et à la discrimination anti-mahométans) ne rend pas entièrement compte des façons systémiques (ou structurelles) dont les inégalités raciales se perpétuent. »

Mais pourquoi donner plus d’importances aux « inégalités raciales » et leur persistance qu’aux autres types de discrimination ? Il y a là une sorte de raisonnement circulaire : on nous dit qu’il est faux d’appeler le racisme anti-mahométans « préjugé anti-mahométans » parce qu’il ne rend pas entièrement compte du racisme anti-mahométans. Mais comment en est-on venu à la conclusion que nous avons à faire à du racisme anti-mahométans ou bien que le seul racisme qui compte serait structurel ? La nouvelle définition renverse l’ancienne simplement en partant du principe qu’elle est vraie.

De plus, même si certains sociologues parlent en effet de « racisme structurel », de « racisation » ou de « racisme sans race », le grand public ne comprend pas vraiment ces notions spécifiques et continuera d’utiliser la définition courante du mot « raciste ». Est-ce que les gens devraient changer leur définition de « vérité » ou « signification », par exemple, parce que des philosophes académiques disent que la vérité est « ce qu’il est utile de croire » ou bien que la signification consiste en « des conditions de vérité » d’une phrase ? Devrait-on concevoir des politiques et toucher le grand public sur la base de définitions obscures ou devrait-on plutôt se baser sur l’usage des locuteurs compétents ? Les gens savent déjà ce que sont les préjugés, l’intolérance, les stéréotypes et les biais ; ils comprendront une définition en ces termes.

La racisation est déjà largement contestée même dans les domaines où elle pourrait avoir avoir sa place, mais lorsqu’il s’agit de religion, elle n’est rien de plus qu’une manière de faire entrer au chausse-pied l’intolérance religieuse dans l’une des catégories voulues, soit la race, le genre, la classe ou l’orientation sexuelle. Il est en effet très difficile de trouver un exemple de soi disant racisation de mahométans ou de l’islam qui ne puisse pas être entendue plus précisément que comme un stéréotype ou un préjugé. Tous les exemples de stéréotypes, de mise dans des cases, de préjugés et de clichés sur les mahométans sont automatiquement reclassés comme du « racisme » ou de la « racisation ». Mais c’est une erreur, parce que la racisation concerne la race. Mais les mahométans ne sont pas une race, personne ne pense qu’ils sont une race, le terme « racisation » n’a de sens que si l’on croit, d’une manière ou d’une autre, que le groupe considéré se différencie racialement. Toutes les formes de sectarisme sont-elles des cas de racisation ?

Et la notion de « race en tant que construction sociale » n’a de sens que si l’on peut répondre à la question : une construction de quoi ? Appeler quelque chose une « construction », c’est comme l’appeler une « illusion » : ce doit être une construction ou une illusion de quelque chose. Un mirage dans le désert donne l’illusion qu’il y a de l’eau, pas des arbres. En gros, la race est construite comme l’ensemble des différences physiques, héréditaires et irréversibles ayant pour conséquences des variations significatives en terme d’intelligence et de moralité entre différents groupes humains. Quand on appelle la race une « construction », ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas diviser les humains en groupes : après tout, on pourrait très bien catégoriser les humains selon la forme de l’ongle du pouce et donner des noms à ces groupes-là. Ça veut plutôt dire qu’en faisant de telles divisions, on ne « coupe pas droit » et que la taxonomie selon la « race » ne saisit aucune différence significative ou pertinente entre les groupes humains. Mais pour les racistes, les races ne sont pas des constructions, elles sont bien des réelles et ont du sens. Si aucune différence superficielle n’est apparente (comme la couleur de peau, par exemple), les racistes trouveront des différences cachées (taille du cerveau, forme du crâne, origines ethniques basées sur des tests ADN ou simplement un vague sentiment d’appartenance). La race présuppose toujours, intrinsèquement, des différences biologiques ou corporelles. Ces différences corporelles sont souvent prises en compte a posteriori pour justifier l’existence de hiérarchies, comme dans le cas des tests de QI prônés par certains extrêmes opposants aux programmes de discrimination positive. Mais sans la croyance que de telles différences existent, il n’y a ni race ni groupes racisés.

En effet, la race est une construction sociale, et alors ? Les religions ne sont pas simplement des amas de corps. Appliquer la « race comme construction sociale » à l’intolérance religieuse ou à la discrimination, c’est commettre une erreur de catégorie. C’est une idée, comme la racisation ou la formation raciale, qui ne peut être utile que dans son propre domaine de gens qui se cramponnent d’une manière ou d’une autre à la notion que des différences raciales existent et que ces variations biologiques sont pertinentes. De telles idées peuvent nous aider à comprendre l’islamophobie seulement dans la mesure où les fanatiques en question sont des racistes et leur haine des mahométans découle de leur haine d’une autre race de gens. Sinon, nous devons présupposer que toute hostilité à l’encontre des mahométans est du racisme avant même que le concept de « race en tant que construction sociale » entre en ligne de compte dans la compréhension de l’islamophobie.


Qualifier de racistes les opposants aux mahométans peut avoir beaucoup de poids au tribunal populaire, mais cela rend-t-il l’accusation de racisme toujours vraie ou même intelligible ? Les chrétiens prêchent contre les mahométans depuis quatorze siècles. Sont-il tous racistes ? Des philosophes, depuis la Renaissance, ont moqué et tourné en ridicule le christianisme traditionnel en des termes similaires à ceux employés contre l’islam traditionnel ; le racisme explique vraiment tout ça ? Sûrement en partie, mais entièrement ?

Celles et ceux qui attaquent l’islam et les mahométans pour des raisons raciales se cachent souvent derrière des phrases du type « On a le droit de critiquer les idées » ou « Tout ne se vaut pas ». Certains vont même jusqu’à nier l’islamophobie. Mais s’il on veut s’en tenir à une conception de l’islam qui a du sens, composée d’un ensemble d’idées et de valeurs, alors on doit accepter le risque que des racistes dissimulent leur racisme en usant de tels procédés, sans quoi l’on perdrait toute intégrité spirituelle. J’entends que les mahométans se sentent exposés, qu’ils soient sur la défensive et épuisés de devoir s’expliquer encore et encore face aux injonctions, en toute mauvaise foi, à « condamner » ceci ou cela. Le racisme — la discrimination stupide, ignorante et cruelle — est souvent une raison derrière ce déferlement. Mais ça ne signifie pas que toute hostilité à l’égard des mahométans doive être automatiquement classée comme raciste, et invoquer la racisation pour tout englober n’est pas une bonne solution.

Le problème de cette approche (définir l’islamophobie comme étant du racisme et jongler avec des idées comme la racisation et le racisme structurel), c’est que, quoique que les mahométans pensent, font ou quel genre de personne ils sont, ça n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est que les mahométans ne sont pas blancs et que l’islam est la religion des non-blancs. Ça signifie que la race est la seule et unique raison pour laquelle un non-mahométan puisse être hostile à l’encontre des mahométans ou une institution perpétue un climat de tension à leur égard. L’islam n’a d’intérêt ou d’importance que dans la mesure où il est un signifiant racial. Quand on prêche aux gens de répondre aux discriminations à l’encontre des mahométans par des accusations de racisme, on leur dit de croire en effet que l’islam n’a pas plus de signification qu’un simple accent qui distinguerait les blancs des non-blancs.

Devrait-on croire que le voile canalise tant d’hostilité seulement parce qu’il serait un « signe ostentatoire » au service d’une animosité raciale ? N’y a-t-il pas des principes derrière le comportement social mahométan que d’aucuns pourraient trouver répugnants sur le fond ? N’y a-t-il rien dans le message spirituel et intellectuel de l’islam que beaucoup de gens pourraient trouver menaçant intellectuellement ? Quand est décrite dans le Coran l’hostilité rampante de divers groupes à l’encontre des premiers mahométans, est-ce simplement du racisme ? Quelle serait la signification du verset لَكُمْ دِينُكُمْ وَلِىَ دِينِ (109:6) s’il était réellement question de race ou de racisme culturel ? Abû Lahab a-t-il combattu son neveu le Prophète parce que les fidèles étaient racisés ? Quand il est dit encore et encore dans le Coran que des communautés de fidèles à travers les ages ont été attaquées pour avoir dit « رَبُّنَا ٱللَّهُ ۗ», est-il question de racisme culturel ?

Nous savons par expérience que les humains sont capables d’inclinations et de détestations irrationnelles pour de nombreuses raisons, mais la seule raison pour laquelle on pourrait avoir une dent contre l’islam et les mahométans, ce serait le racisme ? L’islam doit vraiment être terne et vide de sens !

Les mahométans qui adoptent le discours de la théorie critique de la race et assimilés, consciemment ou non, doivent garder à l’esprit que les personnes derrière ces idées n’avaient rien à faire du tout de la religion. Ce qui les intéressait, c’était la race, le genre, la sexualité et la classe. C’est tout. Si les théoriciens et activistes voient l’islam seulement comme le patrimoine de non-blancs et comme un aspect de la subjectivité ou de l’identité non-blanche, c’est leur problème. On ne devrait pas avoir à faire passer sa religion à la moulinette postmoderne pour aider les opprimés ou se libérer de l’oppression. Les mahométans doivent faire face aux problèmes du monde à leur manière. Il n’est pas besoin de se compromettre au niveau existentiel pour être pertinent concernant les affaires mondaines. Les mahométans sont attaqués de tous les côtés ; répondre à l’intolérance à l’encontre des mahométans (ou au moins être forcés d’y penser) est la réalité du quotidien. Comment on choisit d’y faire face nous transforme fatalement en tant qu’être humain, pour le meilleur ou pour le pire.

Ce long exposé des concepts et de leurs origines peut paraître trop abstrait, renversons maintenant en pratique la racisation des mahométans, le racisme structurel et le racisme sans raciste. Les mahométans devraient pointer du doigt « l’anti-théisme structurel » du monde académique et intellectuel, qui fonctionne souvent comme une machine à « anti-théisme sans anti-théiste. » On nous dit que la société post-coloniale qui cache la couleur de peau sous le tapis masque et perpétue le racisme ; nous disons que la société postmoderne qui cache la foi sous le tapis, dans laquelle on ne juge pas les individus selon ce à quoi ils vouent un culte mais selon la manière dont ils traitent les autres, sert seulement à perpétuer le scientisme, le matérialisme et le nihilisme rampants qui constituent la véritable religion dominante. La science n’est peut-être pas une religion, mais elle a bel et bien été « religionisée. » On nous demande parfois de prendre conscience de micro-agressions et d’exclusions subtiles qui minent psychologiquement les minorités, mais les mahométans peuvent aussi pointer du doigt une culture intellectuelle et artistique qui semble conçue pour rendre difficile voire impossible le rappel de Dieu et le raffinement intérieur. C’est une cacophonie de micro-agressions métaphysiques.

Je ne suis pas favorable du tout à l’utilisation de ce jargon pour parler des problèmes dans le monde. Mon intention est seulement de souligner le fait que les théories et les définitions ne sont pas neutres, mais qu’elles ont des prémisses et des implications qui ne sont pas toujours universellement acceptées. Je doute fortement que les partisans de Foucault, par exemple, accepteraient que leurs thèses soient définies comme « structurellement anti-théistes » ou bien qu’on dise que le darwinisme est leur religion dominante, parce que ces concepts-là sont adossés à des présupposés qu’ils ne sont pas prêts à accepter. Peu importe qu’on leur dise que l’anti-théisme structurel signifie ceci ou cela chez les théologiens professionnels ou que la religionisation est un concept largement accepté dans les séminaires. Ils comprendraient qu’adopter un discours basé sur l’anti-théisme structurel du monde académique et la religionisation de la science impliquerait d’accepter certains présupposés, même si ces derniers n’étaient pas immédiatement apparents ou discutés explicitement et même si de telles idées servaient à aider les gens qu’elles sont supposées aider.

Soyons aussi conscients du danger qu’il y a à crier au loup. La vérité, c’est que le racisme, la haine ignorante, égotique et cruelle de différences biologiques irréversibles apparentes, est bel et bien vivant et l’une des forces qui fait le plus de mal dans le monde. J’oserai même dire que, dans beaucoup de cas, le racisme a une part tellement grande dans la haine à l’encontre des mahométans qu’appeler l’islamophobie du racisme est souvent une bonne approximation. Mais quand on en vient à qualifier de « racistes » des choses dont le racisme supposé ne saute pas aux yeux et qui nécessitent toute une gymnastique pour inclure n’importe quel groupe, l’accusation de racisme finit par perdre de sa force et devenir une solution de facilité. Non seulement cela ne nous aidera pas à comprendre les motifs non-racistes derrière l’islamophobie qu’il est absolument crucial de comprendre, mais en plus cela nous privera de la capacité à saisir et traiter la composante effectivement raciste de l’islamophobie (et au passage, le racisme de la part des mahométans eux-mêmes). Dans le même ordre d’idées, j’ai tendance à penser qu’appeler « racistes » toutes les discriminations à l’encontre des mahométans finira par être perçu comme opportuniste par les minorités raciales, et là je pense à la situation américaine en particulier. Les noirs américains (mahométans et non-mahométans), par exemple, pourraient en venir à déplorer que tant de mahométans s’accaparent le capital social que les noirs américains ont mis des décennies de lutte et de sacrifice à bâtir, et l’étendent à leur propre cause sans se soucier de la différence entre le véritable suprémacisme racial et les autres formes de discrimination, d’intolérance et de préjugés.

Par ailleurs, la tentative de redéfinition de l’islamophobie en racisme a-t-elle mené à de bons résultats ou à une prise de conscience qui n’auraient pas été possibles d’une meilleure façon, sans réduire la religion à un marqueur racial ? N’oublions pas que les discriminations et les préjugés à l’encontre des mahométans étaient dénoncés et combattus bien avant ces nouvelles définitions de l’islamophobie. Divers chefs spirituels ont sincèrement essayé de réduire les discriminations religieuses, parfois avec succès. Depuis des décennies, le droit relatif aux droits de l’Homme et les organisations internationales prennent au sérieux, à leur niveau, les questions de discrimination religieuse. Les mahométans aux États-Unis, par exemple, ne devraient pas tomber aux mains de ces ennemis de l’islam qui, précisément, souhaitent redéfinir l’islam comme autre chose qu’une religion ; ils devraient plutôt agir en vue de préserver les protections liées au premier amendement (la clause de libre exercice) qui ont été mises en place au fil du temps pour protéger les expressions de la foi. On peut bâtir sur cette histoire au lieu de l’ignorer, pour créer un concept nuancé et fructueux de discrimination à l’encontre des mahométans qui inclue le racisme mais ne s’y limite pas.

Dans le Coran, la société païenne et la religion des Arabes pré-mahométans sont appelés jâhiliyya, un terme qui recouvre à la fois l’ignorance et la méchanceté. Quelqu’un de jâhil ne saisit pas la différence entre le bien et le mal. Mais la jâhiliyah n’était pas entièrement mauvaise : l’islam a gardé et mis en valeur le bien de cette société et les individus ignorants et méchants ont pu se cultiver et faire amende honorable. Face au racisme, l’humiliation des femmes, l’oppression du pauvre, la torture, l’exile et la mort, le Prophète n’a jamais eu recours à des arguments ayant trait à la « jâhiliyah structurelle » ou la « jâhiliyah sans jâhil. » Il était au fait de la politique, mais pas cynique. Les mahométans ne doivent jamais abandonner l’idée selon laquelle les humains sont capables de science et de bonté, que la volonté de Dieu est suprême et qu’Il peut guider n’importe qui. Ils devraient rejeter une conception de la nature humaine dans laquelle les préjugés et l’ignorance sont rendus obsolètes sous prétexte que les opinions et le savoir ne seraient que des formes d’une soif de pouvoir. Quand on pense de cette manière, on commence inévitablement à croire qu’on peut seulement dominer, pas enseigner, qu’on peut seulement vaincre ou être vaincu, pas convaincre ou être convaincu. À long terme, cela ne fait que ressortir le pire de ce qu’il y a en nous, pas le meilleur.